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Ze blog off/de Philippe Mugnier-Eté

Prides 2021 : la fin du « pinkwashing » ?

Publié le 28 Juin 2021 par Philippe Mugnier dans Marketing, Politique

Article paru le 28 juin 2021 dans MisterTravel

Sous le mot d’ordre « plus de droits, moins de blabla ! », la Marche parisienne des Fiertés de ce samedi 26 juin a eu des allures de grandes retrouvailles d’une communauté LGBTQIA+* qui en avait visiblement assez de promesses en l’air à une année de l’élection présidentielle… Esprit des temps post-confinement, derrière ce défilé joyeux sont apparues de nouvelles radicalités peut-être annonciatrices d’une tendance nouvelle quant à l’accompagnement, voire parfois l’instrumentalisation marketing des luttes LGBTQIA+ par les grandes marques. Après la radicalité politique de la première édition de 1977, la « Gay Pride » parisienne, devenue au fil des décennies « Marche des fiertés », nous avait en effet habitué à son cortège de chars associatifs mais aussi commerciaux de grandes sociétés (MasterCard, RATP, EDF, Monoprix, Orange…) venues donner des signes de connivence aux minorités sexuelles, ou plus cyniquement venues travailler leur « pink money ».

Haro sur le « pinkwashing » !

La composante militante de la communauté LGBTQIA+ semble actuellement traversée par une lame de fond de nouveaux clivages. Pour preuve se tenait à Paris une semaine avant la « Pride » du 26 juin une autre marche radicale présentée comme « anti-capitaliste » et « anti-raciste » (voir ce lien) et en opposition ouverte avec la marche « officielle » organisée traditionnellement par l’organisme inter-associatif « InterLGBT ». Le reproche fait à la marche historique ? celui d’« ouvrir la porte aux récupérations capitalistes et politiques de nos luttes en marchandant la place de char d’entreprises au sein de la marche des fiertés» et de dénoncer tout de go « Une visibilité manipulée par des institutions néolibérales ne vise qu’à récupérer des populations au départ marginalisées, potentiellement contestataires de l’ordre établie, pour en faire des défenseuses du système une fois qu’elles sont passées du côté des gagnant·e·s. ».

De la place de l’Opéra à Chatelet, cette « contre pride » a sans conteste rassemblé une foule dense et radicale dans l’air du temps « décolonial », « indigéniste » et « racialisé », et toute en dénonciation d’un « pink washing » caractéristique selon elle des dernières éditions de la « Pride »… Pride et « contre-Pride » seront-elles reconciliables pour retrouver dès 2022 l’unité d’antan ?

Plus de politique, moins de business

Ce procès fait en « embourgeoisement » et « récupération » par les marques de la communauté LGBTQIA+ se tient l’année même où, contraintes sanitaires obligent, la « Pride » n’admettait pas de chars mais une simple foule de 30000 marcheurs qui lui donnait du coup une dimension beaucoup plus politique que d’habitude... Aussi, pour la première fois de son histoire, la marche a démarré symboliquement à Pantin dans une banlieue populaire, pour ensuite traverser le nord-est parisien plutôt que les riches et prestigieux quartiers centraux de la capitale. Aucune marque présente donc cette année dans le défilé et, du côté des associations, il y a quelques défections qui illustrent des crispations nouvelles.

Air France et policiers « non grata » ?

Une absence remarquée : celle de l’association Personn’Ailes du groupe Air France accusée par la « pride radicale » de complicité avec l’Etat pour l’expulsion de migrants, y compris les personnes LGBTQIA+ victimes de persécutions et craignant pour leurs vies dans leurs pays d’origine.

Cette première absence de Personn’Ailes depuis 20 ans s’explique par des menaces de perturbations et agressions reçues via le net et mettant clairement en cause le supposé « Pink washing » d’Air France… Autre tension, l’absence historique de l’association FLAG ! fédérant les agents LGBTQIA+ des Ministères de l’Intérieur et de la Justice, pompiers, et policiers municipaux…FLAG a craint elle-aussi pour sa sécurité car - dixit son président - la marche « passe par des quartiers où les policiers ne sont pas toujours les bienvenus ». Une défection qui interroge et qui nous rappelle en écho que la première « Gay Pride » de 1969 à Stonewall fut une émeute contre la police new-yorkaise…

Marche sur des œufs…

Dans ce contexte sensible, il semble que pour l’édition 2022 qui envisage le retour des chars commerciaux pour son financement, la question du marketing en direction des personnes LGBTQIA+ et du possible « pink washing » devra être considérée avec beaucoup de prudence par les marques, dont celles du tourisme. Depuis toutes petites, les personnes LGBTQIA+ ont en effet appris à se méfier… et à contester !

Bien d’ACCOR !

Le 14 juin 2021, le groupe ACCOR se félicitait tambour battant de la signature d’un partenariat mondial avec l’IGLTA (International Gay & Lesbian Travel Association) en rejoignant en sa qualité de membre Platinum cette organisation née aux USA en 1983 et présente en France depuis une quinzaine d’années déjà… Il n’est certes jamais trop tard  et le signal sera fort et bienvenu, notamment auprès des clientèles LGBTQIA+ anglo-saxonnes.

On observera également avec intérêt le positionnement du groupe hôtelier dans ses établissements et les marchés hongrois, polonais, iraniens, émirati, saoudiens, turques, brésiliens ou encore russes…En France, ce fleuron hôtelier hexagonal qui affirme dans son communiqué de presse être à l’« avant-garde sur les questions LGBTQ+ » (tout en oubliant le I des personnes intersexes…) n’a par contre pas daigné sponsoriser d’un seul Euro les « Gay Games» qui se sont tenus à Paris du 4 au 12 août 2018.

Cet évènement inclusif inédit – sportif, culturel et touristique -  a été organisé grâce à la puissance du bénévolat du mouvement LGBTQIA+ et a apporté plus de 66 millions d’euros de retombées économiques dans la capitale dont plus de 100 000 nuitées dans les hébergements de la ville lumière (dont ceux d’Accor…). Ce fut alors une belle  occasion manquée pour faire rayonner auprès de plus de 10,300 participants de 91 pays, et bien au-delà, les valeurs de diversité, d’inclusion et d’appui aux communautés LGBTQIA+ du groupe hôtelier… Cette même année 2018, Air France et Aéroports de Paris s’engageaient déjà pour un ticket de 50,000€ chacun auprès de la fondation FIER chargée de déployer l’héritage inclusif de ces jeux de la diversité…

Mercato mondial

L’édition 2022 des « Gay Games » à Hong-Kong  sera un autre tremplin pour les marques de tourisme souhaitant envoyer un signal fort sur les marchés LGBTIQ+ d’Asie-Pacifique et du reste du monde. C’est le groupe Marriott Bonvoy, concurrent d’Accor, qui a signé un chèque d’environ 1 million de dollars pour être le 1er partenaire de l’évènement aux côtés du géant Youtube… A cette échelle, les marques françaises du tourisme (Air France, Club Med,…) semblent ainsi rester dans la cour des « petits joueurs » sur le marché mondial du marketing affinitaire LGBTIQ+…

La RSE en question

Si le marketing communautaire est un outil de conquête et de fidélisation de nouvelles clientèles, il est aussi un vecteur clé des politiques de RSE (responsabilité sociétale des entreprises) au service de l’inclusion et diversité dans le milieu du travail. En France, l’association « L’Autre Cercle »  a réussi depuis  2012 à fédérer de nombreux fleurons nationaux (Axa, BNP, Cap Gémini, Casino, Nexity, Sodexo, Sanofi, Vinci,  Orange,…) autour de sa « Charte d’engagement LGBT+ » (à découvrir via ce lien) à destination notamment des gestionnaires de ressources humaines.

Parmi les 163 groupes et institutions signataires, on ne note qu’un seul groupe du tourisme : Air France, tous les acteurs de l’industrie des voyages étant encore aux abonnés absents…

Etrange pour un secteur d’activité qui brasse pourtant toute la diversité du monde parmi ses clients, fournisseurs et collaborateurs. Ou alors simple conviction d’une industrie qui se croit peut-être déjà à l’avant-garde et exemplaire en la matière… ?

Philippe Mugnier-Eté

*Personnes Lesbiennes Gay Bisexuelles Transsexuelles Queer Intersexes Asexuelles et autres

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Régionales : demandez l’programme tourisme !

Publié le 7 Juin 2021 par Philippe Mugnier dans Politique

Cette chronique est parue le 7 juin 2021 dans l'e-magazine MisterTravel.news

Depuis les 1ères lois de décentralisation de 1983, les régions sont clairement consacrées comme des acteurs clés de la politique touristique hexagonale. Alors que la campagne électorale bat son plein, il parait intéressant à trois semaines du scrutin régional de s’arrêter sur les projets  « tourisme » des onze candidats en lice pour gouverner la toute première destination mondiale qu’est l’Ile-de-France.

Premier constat : naviguer sur les sites de campagnes des écuries politiques pour trouver les éléments du programme « tourisme » relève parfois des mêmes difficultés que l’organisation d’un voyage à l’autre bout du monde en pleine épidémie de Covid ! Certains ont bien bossé la question touristique, d’autres sont par contre déjà partis en vacances…

Extrêmes touristes

Parmi les bonnets d’âne de la question touristique – zéro pointé aux partis situés aux extrémités du spectre politique ! Clémentine Autain (La France Insoumise - Parti Communiste Français) n’en pipe mot sauf pour mettre en lumière l’« écart colossal de richesses entre  banlieues populaires et les centres d’affaires et de tourisme ». De son côté, Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière) tire à boulets rouges sur les suppressions d’emplois à Air France et Aéroports de Paris sans pour autant présenter de projet relatif au repos, aux loisirs et vacances des travailleurs-travailleuses… Sous les pavés, pas de plage ! Quant au Rassemblement National de Jordan Bardella, nichts, لا شيئ, nothing, nada, niet, שום דבר,  niente, rien de rien ! Du reste, ce jeune candidat ne possède même pas de site de campagne qui présenterait un quelconque programme général…Que tchi du gamin frontiste ! Même pas un p’tit coup de préférence touristique régionale…

Citoyens vacanciers

Côté listes « citoyennes », Lionel Brot de « France Démocratie Directe » affirme que « Décider ensemble est notre plus grande liberté » mais décider de quoi, ça, on ne saura pas… Eric Berlinger se contente pour sa part de présenter la candidature de  l’«Union des Démocrates Musulmans de France » pour « ne pas islamiser le débat »…CQFD. Fabila Conti du mouvement pan-européen VOLT fait quant à elle son dada du développement du tourisme cyclable, veut soutenir (comment ?) les bistros (santé !) tout en créant de nouveaux Chèques Vacances. C’est original…

On se dit alors que du côté des grands partis politiques, on va enfin trouver du lourd.

Un plan plan-plan…

Et bien non, en tout cas pas du côté de la présidente sortante Valérie Pecresse (Les Républicains) ! Ses 12 pages de bilan d’un mandat de « 5 ans de combats » ne mentionnent en une dizaine de mots à peine que les « aides versées au secteur de l’évènementiel, du tourisme et de la restauration » (merci tout de même pour ces coups de pouce durant l’année écoulée). A croire donc que les actions du Comité Régional du Tourisme (CRT) n’ont été que quantité négligeable durant son mandat…Nous savons pourtant qu’il n’en est rien. Coté programme, le mot tourisme n’apparait que deux fois dans son projet de 24 pages en précisant vouloir créer 5000 stages « volontaires du tourisme » pour l’accueil des touristes sur les grands sites franciliens. Voilà, sinon, rien d’autre à se mettre sous la dent. Gageons que sa marotte et long développement sur les questions de sécurité (des Chinois inclus?) et des transports (pour touristes aussi?) auront quelques effets sur la qualité de l’expérience touristique en Ile-de-France…

A gauche, on phosphore !

Sa principale concurrente, Audrey Pulvar (Parti Socialiste), démontre en revanche avoir davantage fait cogiter ses troupes sur le sujet. Le deux pages spéciales tourisme de son programme décrivent vouloir « réinventer la destination Ile-de-France » et en faire la « première destination d’écotourisme participatif au monde ». Sa boite à propositions comprend notamment une opération « Sac Ados » pour garantir un droit au vacances pour tous, la création d’un « Fonds de transition écologique du tourisme », la constitution d’une « foncière commerciale » permettant un portage pour les établissements faisant face aux spéculations immobilières,… Le CRT aurait donc du pain sur la planche pour s’adresser à de nouvelles clientèles (reconquête des touristes français, appui aux colonies et classes découverte…), dans de nouveaux sites (créations d’un éco-camping en petite couronne et d’« auberges de famille »…) et avec d’autres leviers. Parmi ceux-là, le renforcement du réseaux des « greeters » du tourisme participatif ou encore la création d’un label « Expérience Paris-Ile de France » pour les « structures proposant des expériences alternatives, solidaires ou écologiques, dans le champs de l’artisanat d’art, de la gastronomie, du tourisme de mémoire ou du « tourisme lent ». Concernant le tourisme d’affaires, une aide exceptionnelle à l’organisation du premier évènement est envisagée, un accompagnement à la recapitalisation des sociétés, ainsi qu’un appui à la mutation digitale des équipements de salons et congrès. 

L’avion, pas bien !

Les écologistes menés par Julien Bayou ont aussi quelques idées sur le sujet considérant qu’un « véritable travail de fond doit être engagé pour réduire notre dépendance aux voyages internationaux et entamer la transition vers un tourisme durable ». Pour verdir ce secteur, leur programme vise la réduction du  tourisme de masse basé sur le trafic aérien et donnerait un clair mandat à l’agence Visit Paris Region (CRT) pour concentrer ses efforts sur les clientèles franciliennes, le tourisme rural, durable et inclusif…Les jeunes franciliens de moins de 27 ans se verraient subventionner l’achat d’un pass Interrail et des chèques Eurovelo pour faire rayonner en Europe les valeurs de cette « région-monde » qu’est l’Ile de France… Autre écologiste en lice, Victor Pailhac (Révolution Ecologique pour le Vivant) anticipe déjà la « disparition du travail en raison du développement des intelligences artificielles ». Le temps libre, voilà LA véritable clé du développement de l’économie touristique !

Et en même-temps…

Enfin, last but not least, Laurent Saint-Martin de la majorité présidentielle (La République en Marche)  affirme avec grandiloquence dans son « grand Plan Marshall » (encore un !) vouloir rattacher avec ambition un « Pass Touristique régional » à la carte « Envie-d’Ile-de-France » avec des tarifs préférentiels pour les transports et les musées. Parce que c’est son projet…

Bref, en matière de programme touristique pour l’Ile de France, ça a cogité à gauche avec des idées et des stratégies nouvelles, alors que la droite et le centre n’ont pas encore bien ficelé leurs devoirs de vacances et que les extrêmes bullent depuis longtemps sur la plage… Y-a-t-il des points communs entre les onze candidats ? Oui : aucune liste n’aborde la question de la valorisation touristique des JO de 2024. Aussi,  l’évolution touristique de l’est francilien (Disneyland Paris, Village Nature, Val d’Europe,…) qui foisonne pourtant de tant d’emplois et de projets  de développement n’intéresse absolument aucune des onze têtes de liste…

Certains candidats prendraient-ils les électeurs pour des Mickey sur les questions touristiques ?

Philippe Mugnier-Eté

PS : A l'issue du premier tour, un second article dédié aux finalistes du 2ème tour est paru dans MisterTravel.news, à lire en cliquant sur ce lien

 

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