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Ze blog off/de Philippe Mugnier-Eté

tour du monde

Sitges, la crème catalane !

Publié le 3 Septembre 2021 par Philippe Mugnier dans Tour du Monde

Coeur historique de Sitges en Catalogne - Crédit : DR

Une destination doudou…

La plus hédoniste et élégante des stations balnéaires de la côte catalane n’est qu’onctuosité et douces saveurs… Une fois testée, les épicuriens redégustent volontiers du Sitges, comme par automatisme pour cette gourmandise dont on pressent qu’elle ne décevra jamais. Cet ancien village de pêcheurs proclamé « Saint-Tropez » de la Costa Daurada fait pour beaucoup de ses visiteurs office de destination « doudou », tant elle demeure rassurante, apaisante et familière. Sitges compte ainsi parmi les rares destinations produisant autant d’oficionados repeaters. En 2019, la moitié de ses visiteurs (80% d’étrangers) en étaient déjà à leur 4ème dégustation ou plus ! Petite explication sur cette recette gagnante qui fidélise…

Des ingrédients de qualité 

Palau Maricel par Philippe Mugnier-Eté

Sitges se compose indéniablement d’excellents ingrédients : 26 plages de sable fin et calanques nourries de 300 jours d’ensoleillement par an et protégées des nuages et des vents du Nord par le massif du Garraf. Les chefs de cette cité à taille humaine ont toujours refusé de massacrer le littoral par le béton des promoteurs afin de mieux valoriser l’élégante architecture des villas des Americanos, ces Catalans jadis partis au Nouveau Monde pour revenir fortunés au pays à la fin du 19ème siècle. Certaines de leurs villas (Casa Vilella, Medium Sitges Park, El Xalet, Noucentista…), au style hétéroclite d’influence coloniale, moderniste ou d’Art Nouveau, sont désormais converties en hébergements de charme. L’un de ces Americanos dénommé Facundo Bacardi ramena aussi dans ses valises le célèbre rhum faisant maintenant le bonheur des bars à cocktails... Ces demeures enrichissent le cœur médiéval de cette cité animée de tant de tavernes familiales dont les menus 3 plats et vin local peuvent parfois même ne pas dépasser les 12 euros (comme au O’Vesuvio) ! Aussi, l’église San Bartolomé y Santa Tecla concentre autour d’elle de sublimes sites patrimoniaux comme la maison-atelier du Cau Ferra, le Musée et le Palau Maricel, la fondation Stämpfi…, tous berceaux du mouvement moderniste catalan ou témoins des dernières évolutions de l’art contemporain. Ce sont autant de découvertes culturelles qui s’ajoutent à l’éclectique Barcelone voisine, accessible en à peine 30mn de train, pour ceux qui ne veulent pas (que) bronzer idiot...

Pour le goût de tous…

Plage Balmins à Sitges - Crédit : gaysitgesguide.com

Pour se rendre encore plus gouteuse, Sitges s’affirme hédoniste et tolérante. Pour preuve, ses plages nudistes, dont certaines telles Balmins, se situent en toute proximité du cœur de ville. Ici se respire un air de liberté qui réunit en un mélange harmonieux des familles, de jeunes adultes, des bandes de copains-copines ou encore de paisibles retraités pleinement dans l’esprit de tolérance et la continuité du mouvement hippie qui a investi la station dès la fin du franquisme. Cette ouverture et décontraction constituent clairement la marque de fabrique de Sitges qui peut aussi s’enorgueillir de compter la toute première plage naturiste gay au monde, la Playa del Home Mort. Dans son cadre sauvage et libertin, elle fêtera son centenaire en 2030 ! Durant la chappe de plomb franquiste, Sitges résiste habilement en redonnant vie à son célèbre carnaval, pourtant honni par les sbires du sinistre Caudillo. C’est un must européen aujourd’hui.

Un must du tourisme inclusif

Crédit : gaysitgesguide.com
Calle del Pecado, coeur de la vie festive LGBTI

Aussi, dès les années 50, des premiers bars et hôtels s’affirment ouvertement accueillants pour la clientèle homosexuelle. Quelques décennies plus tard, Sitges développe une vraie singularité  dans le club fermé des destinations prisées en méditerranée par les LGBTI. Moins clubbeuse qu’Ibiza (bien que pionnière avec l’ouverture de la toute première discothèque Pacha en 1967), moins industrielle que Playa des Inglès aux Canaries, moins bodybuildée que Mikonos, plus pudique que le Cap d’Agde, elle se vit modeste, sensuelle voire coquine, privilégiant l’être au paraître et la pleine liberté d’être soi sans jugement. Après la Gay Pride de juin, la plus importante Bears Week d’Europe (pour gays dodus et leurs amis…) en est une belle illustration chaque première quinzaine de septembre. Sur ce segment LGBTI, le groupe Parrots fait figure de leader quasi hégémonique avec pas moins de seize entreprises (bars, hôtels, restaurants, boutiques,…) parsemées autour de la Calle del Pecado, la rue du péché ! A Sitges, on boit, on mange, on dort et on b… donc « Parrots » ! Cette impressionnante réussite est le fruit du labeur de l’influent et généreux entrepreneur Luis Enriquez, le « pape » discret et  bienveillant des plaisirs de la ville…Mais dans cet empire de la dérision, c’est bien la merveilleuse « Big Old Drag Queen » Lady Diamond qui reste la véritable fée gardienne de l’amusement des boys…

Un mix qui fait recette

Lady Diamond, reine de la nuit (et du jour)

De fait, même si 62,75% des touristes de Sitges sont de genre masculin, on reste loin d’un ghetto touristique à testostérone invertie ! La remarquable cohabitation dans la ville entre les familles traditionnelles et les personnes LGBTI aux conjugalités et parentalités si inventives confère à la cité une position de référence quant à la bonne gestion du mix de clientèles. Un modèle d’inclusivité qui pourrait inspirer bien des destinations touristiques dans le monde, dont l’Hexagone si prude sur ces questions dont on ne cause pas, ou si peu, ou si mal dans les Offices du Tourisme…Vous savez, le communautarisme, l’universalité, tout ça, tout ça… Ici, le principal segment de visiteurs est donc celui des couples (45,10%),  suivi par les familles avec enfants composant pour 13,5% du total, le reste se déclinant en divers touristes d’affaires. Avec ses 3000 lits d’hôtels 4 et 5*, deux centres de conventions, Sitges talonne ainsi Barcelone comme hub catalan des réunions d’affaires et d’incentive avec plus de 600 réunions organisées par an qui fournissent 30,7% des nuitées annuelles dans la destination. Les complexes premium Dolce Sitges by Wyndham ou l’historique Me Sitges Terramar (1933) avec son magnifique golf 18 trous se sont récemment refait une beauté à coup d’importants investissements pour rester à la pointe de l’expérience client.  Côté évènementiel, il est un autre segment qui se porte bien : celui des mariages avec pas moins de  89 entreprises impliquées dans ce secteur pour l’organisation de plus de 400 évènements par an, dont 25% concernent des couples d’origine étrangère. De nouveau, Sitges avec un grand oui !

Feu d'artifice sur la baie de Sitges - Crédit : DR

La touche finale du chef !

Sky-bar du MiM Sitges Hotel

Depuis ses débuts hôteliers en 1916, Sitges séduit donc un spectre large de clientèles dont notamment,  en toute confidentialité, les « rich & famous », des grands d’Espagne aux stars de la nouvelle économie. En octobre, seul le Festival International du Film Fantastique de Sitges, le plus important du genre au monde, a vu défiler en pleine lumière Quentin Tarantino, Antony Hopkins, Jodie Foster… Vous n’aurez donc pas la liste des personnalités croisées cet été sur la Passeig Maritim en soirée, elles se veulent discrètes et éloignées du style clinquant de Marbella ou du m’as-tu-vu Tropézien. Pour elles, les selfies instagramés d’auto-promotion ne sont clairement pas l’esprit du lieu... Loin de la foule au coucher du soleil, prenez enfin de la hauteur avec un cocktail de Barcardi sur le roof top du design hôtel MiM Sitges, propriété depuis 2017 de Lionel Messi, un néo-Parisien de Saint-Germain…

Vous touchez alors au but, Sitges s’y révèle ici subtile, cosmopolite, raffinée et bohème…. Vous êtes servis - bonne dégustation !

Philippe Mugnier-Eté

En savoir plus :

 
Philippe Mugnier-Eté, correspondant spécial de MisterTravel.news à Sitges

 

 

 

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Le tour du monde des iconoclastes - épisode 2 : de la conservation de la patate au plan divin

Publié le 5 Juillet 2012 par philippemugnier dans Tour du Monde

C’est l’histoire d’un mec, qui sur l’insistance de sa femme voulant creuser un trou pour conserver les patates dans sa cave, transforme le modeste orifice en temple troglodyte de 21 mètres de profondeur (l’équivalent d’un immeuble de 7 étages !) sous sa maison… En 1983, Levon ARAKELYAN est un modeste manoeuvre dans le batiment et fait des va-et-vient de plusieurs mois entre l'Arménie et la Russie. Il reçoit soudain la visite d’un ange éblouissant et architecte en chef dans sa modeste maison de Arinj, proche banlieue de Erevan. L’ordre de l’ange est clair (sous la dictature, ça rigole pas...) : «  Je te confie un boulot – tu vas vivre 96 ans et des images vont t’apparaître pendant toutes ces années. Respecte ces ordres scrupuleusement - Constuit moi une cathédrale !».

La spiritualité c’est bien beau en URSS athée - le temple attendra, mais en cette période de disette soviétique, sa femme Tosya se fait plus insistante « J’ai besoin d’un trou pour bien conserver les patates pendant l’hiver ». Deux ans plus tard en 1985, pour calmer son épouse Tosya devenue sérieusement menaçante, il prend son courage à deux mains et creuse le dur basalte de sa cave que tout le village juge impénétrable. Avec trois verres de cognacs arménien, l’œuvre est plus facile – le trou à patates est achevé mais sa peine n’est pas terminée - l'ange n'a pas la mémoire courte. Surprise, l’ange revient en le rappelant à l’ordre et sa vie bascule définitivement. Il démissionne de son boulot pour désormais ne plus  se consacrer qu’à l’exécution du plan divin dans sa maison : creuser une cathédrale souterraine. Sa femme ramenera la pitance mais le salaire de Levon en moins, il n’y a plus de patates pour sa

famille de 4 enfants qui s’enfonce dans la misère. Plutôt que de s’élever alors vers le ciel, Levon creuse, creuse et creuse encore  17 heures par jour. La famille survit tout juste.  Mais sa force est surnaturelle, il creuse, creuse, creuse – à la force unique de sa main et sculpte cavités, chapelles, croix, alcoves…. Fort ému, Boris

ELTISNE (après une visite à l’usine de Cognac Arménien ARARAT) en visite à Erevan lui offre de beaux outils bien plus pratiques. Conservés religieusement, Levon ne s’en servira jamais – il continue avec acharnement avec ses maigres ciseaux et marteaux. 24 ans après l’apparition de l’ange et une famille qui s’enfonce encore plus dans la pauvreté, le chef d’œuvre est magnifique – une véritable merveille souterraine. « Tout me vient en rêve

pendant la nuit et au réveil, mon travail de la journée est très clair et chacun des centimètres est conforme au plan” dit Levon « Je ne veux pas sortir de cette cave, ce lieu est le mien et ma vie spirituelle est désormais totalement séparée du monde séculaire et ses problèmes ». Entre-temps, il évacue du sol plus de 450 camions de pierre et terre pour son œuvre en ayant bien en tête d’exécuter une cathédrale souterraine de 74 cavités – « Conformément à l’ordre » dira t-il. Impossible, la mort l’a emporté en février 2009 soit 30 ans avant ses 96 ans annoncés par l’ange qui n'aura ainsi pas tenu parole alors que Levon, lui - a bien joué le jeu - scrupuleusement ! Levon n'aura alors achevé "que" 8 pièces cavités (et tout autant de couloirs et escaliers) - un travail de titan. Sa veuve Tosya que j’ai eu l’honneur de rencontrer est évidemment

inconsolable...(photo ci-contre, devant une autre oeuvre de Levon : le mythique Mont Ararat pardi !). Depuis, plus de 40 000 visiteurs sont venus découvrir l’œuvre de son défunt mari. La famille est définitivement sortie de la misère - n’a jamais pu s'offrir autant de patates et de capacité de stockage sous leur modeste demeure et merveilleux jardin

mais Levan n'est plus là. Cette histoire est belle et triste. Des gens forts simples pour une vie et oeuvre extra-ordinaires.Venez visiter cet endroit, Tosya a besoin de comprendre que son mari a bel et bien réalisé une oeuvre prodigieuse de sa vie comme du sous-sol de sa maison modeste pour la postérité.  Merci Tosya de ton émotion et la bonté de ton accueil. Ton Levon a été un être extraordinaire. That’s all folks - c'est en Arménie.

 

 

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Le tour du monde des iconoclastes - épisode 1 : PARAJANOV, le dingue magnifique d’Arménie

Publié le 27 Décembre 2008 par philippemugnier dans Tour du Monde

L’âme iconoclaste de l’Espagne s’est illustrée via Dali, celle de l’Italie via Fellini, la Française via Cocteau. Complétons cette famille de doux fabuleux par un détour en Arménie. Et si la « movida caucasienne » qui prend son envol depuis quelques années avait commencée par Parajanov ? Coup de foudre au Musée Parajanov de Erevan/Arménie www.parajanovmuseum.am. Suivez le guide…. Né le 9 janvier 1924 à Tbilissi en Géorgie, mort le 20 juillet 1990 à Erevan en Arménie, Sergey PARAJANOV est un réalisateur qui fut controversé en Union Soviétique, mais très défendu et apprécié par les cinéphiles occidentaux. Sans connaître la langue de ses ancêtres arméniens, ni leur pays, Paradjanov va graduellement s’éloigner de la grammaire soviétique pour élaborer une œuvre cinématographique en prise directe avec les traditions des régions caucasiennes où il tourne. Artiste pluriethnique, musicien, plasticien, peintre, il doit en partie sa tournure d’esprit au fait que son père, Iossif Paradjanian, était antiquaire.

Un contact précoce avec les objets d’arts a façonné son imaginaire et son goût pour les collections. Il a inspiré sa pratique stakhanoviste des collages, qui tiennent à la fois de l’art conceptuel et du folklore naïf ; des films compressés en quelque sorte, que Paradjanov bricolait lorsqu’il ne pouvait pas tourner (en prison notamment). Sa vie et son art étaient mêlés. Sa maison familiale de Tbilissi, ouverte aux hôtes de passage, était un grand capharnaüm où s’entassaient décors, costumes et objets d’art hétéroclites. Ses films singuliers sont souvent influencés par la diversité ethnique de sa région natale le Caucase et mêlent réalité sociale, folklore, légendes et chamanisme. Si cet artiste hors catégorie jouit alors d’une certaine notoriété, c'est moins pour son œuvre que pour son statut politique. En décembre 1973, les autorités soviétiques le condamnent à cinq ans de travaux forcés. Paradjanov

fait la une des journaux lorsqu’il est incarcéré en Ukraine en 1974 pour « commerce illicite d’objets d’art, homosexualité et agression sur la personne d’un fils de dignitaire du régime », les médias, les comités se mobilisent (en France, Yves Saint-Laurent, Françoise Sagan, et surtout Louis Aragon, montent au créneau). Le pouvoir reproche implicitement au cinéaste de promouvoir le nationalisme. À l’époque, il a déjà tourné l’essentiel de son œuvre : six longs métrages. Il ne passe que quatre ans en prison. Au sortir de sa détention, il réalise des collages et produit un grand nombre de dessins abstraits. Mais il sera à nouveau incarcéré. Ses divers séjours en prison s’achèvent en 1982. Il en revient malade (diabétique, cancéreux). Mais, soutenu par plusieurs intellectuels, il réussit à tourner deux films : La Légende de la forteresse de Souram (1985) et Achik Kérib (1988). La Légende de la forteresse de Souram est tirée d’une nouvelle du Géorgien Daniel Chonkadzé selon laquelle une forteresse ne peut être sauvée de la ruine que si un homme y est emmuré. Achik Kérib, tiré d’une nouvelle du poète russe Mikhail Lermontov, rappelle les contes des Mille et une nuits : un jeune troubadour pauvre tombe amoureux de la jolie fille d'un riche marchand. Pour pouvoir l’épouser il décide de faire fortune en parcourant le monde… Vous voulez sentir et comprendre le Caucase éternel tout autant que  l'Arménie cosmopolite ? Le Musée Parajanov doit être votre première visite dès votre sortie de l'aéroport de Erevan !

 

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